Assis à table, un café dans les mains, il me regarde de ces yeux bleus tant appréciés par la gent féminine locale. Il attend patiemment que je lui pose mes questions. Le café, depuis la Colombie, c’est devenu une habitude, un rituel presque. M’attendre patiemment aussi. J’ai beau avoir voyagé avec lui pendant plus de 4 mois, en voilier-stop, à vélo, à travers plusieurs pays presque 24/24h, je découvre encore des choses sur lui. Mais qui est donc Alexandre Bouquel ?

 

Parti à vélo avec son parapente de Clermont-Ferrand le 14 octobre 2018, Alex a bien l’intention de rentrer chez lui “par l’autre côté” et avec le même moyen de transport. Si possible pour ses 30 ans, mais ça, comme son itinéraire, ça peut encore changer.

Depuis petit, il rêve de voyager. Alors quand il a eu entre les mains “On a roulé sur la Terre” de Tesson et Poussin, quand il a lu “Le monde en stop” de Ludovic Hubler et découvert Jamel Balhi (Alaska-Ushuaia en courant), il s’est dit que c’était possible et a commencé à l’imaginer. Sa rencontre avec Philippe, un ami grand voyageur, a fini de le convaincre, “c’est un rêve un peu viscéral de l’être humain de voyager”.
Au début, il pensait plus à l’Europe mais “quitte à partir, autant faire le grand tour !” Telle est sa philosophie, ne pas se contenter du minimum quand on peut faire plus, toujours aller plus loin (je rajouterais même, plus vite). Cette envie de grandeur, je l’avais déjà remarquée lors de nos journées interminables de vélo. Là où seule, je me serais arrêtée bien plus tôt, je me retrouvais en le suivant, à faire bien plus de kilomètres que ce que j’avais projeté le matin-même.

Pourquoi avoir choisi le vélo ? “Il paraît que je suis sportif” me répond-il les yeux pleins de malice. Il m’explique alors que le vélo, comme le parapente dont il est passionné, permet de couvrir de grandes distances et d’apprécier les paysages, l’atmosphère. Mais contrairement au parapente, le vélo passe partout, ne dépend pas de la météo et “tu es assuré de faire des distances si tu veux”. On l’aura bien compris, Alex aime avancer. Ne rien faire ? Il ne connaît pas. C’est d’ailleurs certainement pour ça que le sport occupe une si grande place dans sa vie, entre le triathlon, l’escalade, l’alpinisme… et bien sûr le parapente et le vélo.

Quand il a commencé à envisager de partir, il était encore à la fac. Mais il fallait d’abord finir le Master de droit. Maxime, un de ses amis, voulait aller au Népal depuis Clermont-Ferrand à vélo. Alex lui a alors proposé d’y aller ensemble, dans l’autre sens, c’est à dire, d’Est en Ouest. C’était en décembre 2017. Leur préparation n’a vraiment commencé qu’en mai 2018, pour un départ 6 mois plus tard. Finalement, après la France, l’Espagne et le Maroc, Maxime s’est arrêté aux Îles Canaries sur un chantier participatif. Alex lui, a continué en traversant l’Atlantique en voilier-stop jusqu’en Martinique où nous nous sommes rencontrés. La suite, vous la connaissez déjà, voilier-stop aux Grenadines, Grenade et Curaçao jusqu’à Carthagène en Colombie puis vélo de Nord en Sud jusqu’à Quito en Équateur.

Avec un budget moyen de 10€/jour à vélo, il “trace” et dépense peu. Mais s’il peut faire une activité qui en vaut la peine (entendez par là, du sport), il ne s’en privera pas à cause du budget, ce serait trop bête de ne pas en profiter.

De son voyage, il espère revenir en ayant élargi son ouverture d’esprit à travers notamment de belles rencontres. Échanger, voir comment ça fonctionne ailleurs, découvrir la Terre et ses richesses, ses beautés, voilà ce qui le pousse à avancer. Bien entendu, l’accomplissement sportif est aussi de la partie, comment pourrait-on l’oublier ? Et s’il rencontre l’amour de sa vie en route, c’est du bonus, mais ce n’est pas une finalité en soi, m’affirme-t’il. Et l’inscription sur Tinder à l’arrivée à Quito alors ? La tête penchée sur le côté, il me regarde en souriant, comme il le fait quand il est gêné de me parler d’une fille. L’amour en voyage, ça rend la vie compliquée. On s’attache et puis on s’en va, on est déçu mais c’est comme ça. Et l’ayant vécu moi-même, je sais bien de quoi il parle. De l’être humain à la psychologie si complexe, de ces relations avortées par le voyage, avant même d’avoir réellement commencé. De la vie de nomade empêchant toute attache durable à des lieux où des personnes. De cette difficulté à dire au revoir quand le cœur désire à la fois continuer à vibrer là où on est et reprendre le voyage.

Son cœur, il a vibré très fort plusieurs fois depuis qu’il est parti. A chaque fois qu’il a volé en parapente par exemple. Mais sa plus grande joie a été d’apercevoir la Colombie depuis le large, en arrivant de Curaçao. Quelle émotion alors, et quel sentiment de plénitude que le fait d’atteindre enfin un objectif tant désiré : mettre le pied sur le continent américain sans avoir pris l’avion !
Le départ de Clermont-Ferrand fait aussi partie de ses moments forts du voyage, mélange de tristesse et de joie. Abandon de quelque chose de précieux et excitation à l’idée de partir loin, longtemps. Clermont-Ferrand pour Alex, c’est quelque chose ! “Le Puy de Dôme, c’est le meilleur endroit pour voler en parapente, le Saint Nectaire, le meilleur fromage” (qui lui manque bien, d’ailleurs). Malgré son look d’américain quand il porte la barbe, sa casquette NY et ses lunettes de soleil, Monsieur est un peu chauvin, mais chut… il n’aime pas trop que je le rappelle.

Il a aussi eu la même sensation de joie mêlée de tristesse lors de chaque passage de frontière, particulièrement quand il a quitté la France pour l’Espagne. Chacune apporte son lot de changements, de culture, de langue, de paysages… et donne l’impression d’avancer. Comme quand après avoir cherché laborieusement ou non, il trouve enfin un bateau. Car l’attente, le fait de ne rien maîtriser et de dépendre des autres, d’être coincé quelque part, ç’a été quelque chose de difficile pour Alex. Même quand il a été malade au Maroc, en ayant la diarrhée à vélo, c’était moins pire. Pourquoi continuer à pédaler en ayant la diarrhée ? Vous lui poserez directement la question, je n’ai pas su lui tirer une réponse rationnelle.

S’il devait changer quelque chose, ce serait son matériel. Quand moi-même je perds souvent la guerre contre le poids sur mon vélo, Alex lui, est passé maître dans l’art de se délester de l’inutile. Il s’est ainsi retrouvé à envoyer en France plusieurs fois des colis pleins de choses diverses et variées comme sa Gopro, sa liseuse, sa popote, son réchaud… pour finalement s’en faire renvoyer une partie quelques mois plus tard, après réflexion. Il finira en bikepacking minimaliste, c’est certain !

Outre de vivre du parapente et de participer à des expéditions en montagne, ses rêves sont très altruistes, reflet d’un homme au cœur tendre et profondément gentil. “Que l’être humain vive davantage en harmonie avec la nature et qu’il prenne conscience qu’elle est fragile. Que toute personne sur Terre puisse bénéficier d’une santé et d’un enseignement gratuits et de qualité. Et que l’argent ne soit pas le seul moteur de notre société, qu’il redevienne simplement un moyen d’échange sans esprit de lucre.” La tonalité juridique ne vous aura sans doute pas échappée, Alex est juriste.

Des textes, il en a lu. Surtout Sylvain Tesson, explorateur et écrivain inspirant pour Alex. C’est d’ailleurs de lui qu’il tient sa devise :” Un livre peut changer une vie. Et dire qu’il n’y a aucune mise en garde d’inscrite sur la couverture ! ”
À la question : “Est-ce que tu es heureux dans ton voyage ?”, il me répond par l’affirmative.
“Et dans 10 ans, comment tu te vois ?” En France, en vie et le reste dépendra de son activité (travail et sport, bien sûr !) et de s’il a quelqu’un dans sa vie.

Actuellement à Quito, Alex est en pause dans son voyage. Un peu comme moi mais pas pour les mêmes raisons. Le plan initial, c’est de descendre vers le sud jusqu’à Valparaíso au Chili et peut-être la Patagonie, prendre un avion pour la Nouvelle-Zélande où il a longtemps rêvé d’aller, puis rejoindre l’Asie et rentrer à la maison… à Clermont-Ferrand pardi ! Désormais nos chemins de séparent, pour de vrai cette fois-ci. Bon voyage et hasta luego mon ami !

 

Si vous voulez le suivre dans ses aventures, c’est sur Facebook avec sa page Une cordée de cyclistes, ou sur Instagram wind_bike_sail !

Catégories : Portaits

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