¡¡¡ ATTENTION !!!!

Cet article n’est pas très joyeux. Parce que le voyage n’est pas toujours idyllique et parfait comme on pourrait le croire, que les galères en font aussi partie.
Je pourrais vous parler de ma lassitude, voire carrément de l’agacement que je commence à éprouver vis à vis de ma garde robe, si réduite et uniquement sportive. La chasse au poids est un combat quotidien à vélo, j’en ai déjà parlé. J’ai beau me détacher de ce qui est matériel et de l’apparence, être habillée comme un sac depuis 8 mois, c’est pas facile tous les jours !
À vélo, on s’en fout. Mais quand on se fait inviter par un charmant jeune homme à prendre un verre, pour aller danser la salsa, ou qu’on veut tout simplement être présentable, ça devient une autre histoire. Quand les chaussures sont tellement vieilles et rapiéciées que l’on aperçoit le motif des chaussettes à travers les trous qui les déchirent, et que le seul pantalon correct en est un de randonnée, modèle homme pour plus de confort (oui oui, vous avez bien lu !), que les poils sur mes jambes n’ont jamais été aussi longs faute d’épilateur électrique dans mes bagages (le débat rasoir VS cire VS épilateur n’est pas ouvert, merci) … alors la question se pose : mais où est donc passée ma féminité ???!
Mais ce sera pour une prochaine fois, aujourd’hui j’ai décidé de vous parler d’autre chose.

À Anne,

Il y a un mois…

Je ne sais par où commencer, mais c’était il y a un mois. Nous étions aux thermes d’Aguas Tibiales dans la vallée de Coconuco près de Popayán en Colombie. Nous avions décidé de faire une pause relaxante après les pluies torrentielles affrontées la veille à vélo. Et puis le froid, terriblement pénétrant, comme un présage du rude hiver que mon cœur allait devoir endurer.

Cette vallée, on en était séparés par la vitre sale du bus qui nous y conduisait. Malgré cet obstacle, on pouvait en apprécier la beauté, les valons de verdure se détachant sur un ciel cotonneux. Et plus haut, les sommets encerclaient la vallée comme un cirque de nature où quiétude et magnificence se côtoient harmonieusement.
Les bains étaient chauds, d’une relaxation doucereuse, et c’était bon de se laisser aller à l’extase du corps meurtri après l’effort.
Je crois néanmoins, que c’est précisément là-bas qu’il est entré, le parasite, et qu’il a commencé sournoisement à faire son travail dans mon corps, me rendant malade chaque semaine suivante, par intermittence. Mais je ne le savais pas encore. Et pourtant… Les signes avant-coureurs auraient du m’alerter.

De retour à Popayán, la souffrance ne faisait que commencer. Le long chemin à parcourir dans l’ombre, embourbée dans le marécage dense de mes tourments, rendant chaque pas plus difficile que le précédent, était alors entamé. Tout au fond, la lumière à la sortie du tunnel me semblait bien lointaine.
“J’aurais aimé faire ce petit bout de chemin avec toi, peut-être plus tard mais là maintenant je ne peux pas.”… Tout était dit. Et des tréfonds de mon âme, une douleur sourde s’élevait, lancinante, implacable et intolérable.
Le cœur de l’Homme peut-il être fragile au point qu’à une simple phrase, il se brise ? L’amour, si joyeux et enivrant soit-il, si puissant, peut-il se faner aussi rapidement qu’il s’est enflammé ? La solitude alors, que j’avais souvent chérie et désirée, devint le fardeau le plus lourd à porter sous le poids du sentiment d’abandon que j’éprouvais.

Malgré les paysages splendides et les rencontres si fortes qu’elles en deviennent émouvantes, bien que mon compagnon de route soit d’un soutien précieux, je me sentais seule, pendant les longues heures de pédalage éreintant dans la montagne, à l’autre bout du monde. Fragile, avec dans le ventre, la présence viscérale d’un parasite rongeant mon corps de l’intérieur… il y a de quoi rêver.
Pour certains, je mène une “vie de rêve”, je nage même dans le bonheur. A vrai dire, je n’ai jamais vraiment compris cette expression, comme si le bonheur, au lieu de provenir du plus profond de notre être, était apparenté à un océan extérieur, indépendant de notre volonté. Quel mensonge, quelle supercherie !
Ainsi, je me dois d’être heureuse, comme un ordre impérieux imposé à qui ose choisir de prendre les rênes de sa vie. Parce que le voyage, dans l’idéal et les projections des rêves du commun des mortels, est associé au paradis, aux vacances bienheureuses.

Dans ma détresse, j’avais alors l’envie furieuse de hurler et d’envoyer bouler la Terre entière. Je vis des choses incroyables certes, je suis moi-même incroyable paraît-il, j’essaie en ce moment de m’en convaincre, mais je reste humaine, avec mes rêves et mes peurs, avec mes joies et mes peines. Ai-je droit au doute, à la tristesse, à la colère ?
Qui n’a jamais traversé un océan de brume, où cerveau et cœur, en parfaite contradiction, dérèglent complètement le GPS de sa vie alors même qu’elle semble idyllique à des yeux étrangers ? Qui ne s’est jamais débattu, parfois avec acharnement pour, si ce n’est guérir, du moins essayer coûte que coûte, de panser ses blessures alors qu’en apparence, tout va bien ?
Pourquoi l’Homme s’entête-t’il à cultiver la culpabilité de la double injonction du bonheur, impossible mais obligatoire, inconvenant mais toutefois dû, au regard des plus malheureux que soi ? Comment peut-on s’épanouir dans une telle contradiction contraignant la pensée, cisaillant tout son être dans ce qu’il a de plus profond, de plus sacré ?

Chacun est le personnage principal de sa propre vie. On a beau le démentir, les autres, ceux qui nous entourent, ne sont que secondaires. Et tous, nous sommes occupés à régler les moindres détails de notre vie, à l’agencer de sorte que chaque journée se passe au mieux. Cela implique parfois de se fermer hermétiquement aux émotions de l’autre, pour s’en protéger, et faire des pirouettes, pour s’en éloigner.
Il y a ceux qui sont pris dans la spirale infernale, bien trop occupés à “faire” plutôt qu’à “être” et tourner leur propre regard vers eux-mêmes pour y chercher ce bonheur si bien caché. Et puis, il y en a qui n’en ont pas besoin, à qui cette vie convient. Il y en a d’autres, qui se questionnent et passent la-leur entre cours de méditation, de yoga et thérapies diverses et variées, bien déterminés consciemment ou non à avancer sur le chemin de leur développement personnel, et à soigner leurs blessures. Il y a ceux qui s’en foutent, et vivent dans le moment présent sans penser aux conséquences passées ou futures de leurs actes. Et tant d’autres encore… La diversité humaine est immense, si belle et riche d’enseignements.

Mais au fond, je crois que les besoins les plus fondamentaux sont les mêmes pour tout le monde. Besoin d’amour, besoin de sécurité affective ou physique, besoin de reconnaissance et que sais-je encore…
Et moi dans tout ça, où en suis-je donc ? Quelle page de ma vie suis-je en train d’écrire ? Seule au bout du monde, j’analyse, je réfléchis. Peut-être trop même. Les pensées m’envahissent, les mots se bousculent. Tous autant qu’ils sont, si sombres parfois, puisés profondément dans les remous de mon âme, ils me servent de catharsis. L’écriture, comme exutoire à la souffrance.

Jusqu’à ce déclic.
La vie ne tient qu’à un fil, tellement ténu, si fragile. Un cheveu si fin qu’il suffit au funambule marchant dessus, d’un battement d’ailes de papillons pour basculer dans l’immensité du vide qui l’entoure. Que se passe-t-il dans sa tête alors, quelles sont les pensées qui le traversent le temps de ces quelques secondes fatales ?
Anne, pendant sa chute dans ce ravin, savait-elle lors de cette fraction d’éclair qu’elle allait mourir ?

À mon cœur, blessé mais résistant
Aux larmes versées abondamment
À mon corps, ébranlé si violemment
Et à mon âme, préservée cependant

À la colère, éprouvée froidement
À la tristesse du passé peu à peu s’estompant
À la paix, accessible difficilement
Mais à l’espoir, jamais abandonné pour autant

Aux rêves, risqués et enivrants
À la joie, retrouvée récemment
À l’amour, passionné et rayonnant
Et à la vie, à savourer intensément

Cette vie, je me rends compte à quel point elle est précieuse. Je l’ai choisie intense et malgré les difficultés placées sur ma route, malgré les peines et les doutes, elle est belle.
Elle l’est dans chacun des magnifiques panoramas qui s’offrent à moi au détour du chemin, autant que dans le chant des oiseaux ou la chaleur d’un rayon de soleil sur ma peau. Elle est belle dans la générosité et la bonté des personnes rencontrées, dans les rires cristallins d’enfants et dans chacun des regards bienveillants. Dans la rue en passant, j’aime sourire aux gens, parce qu’alors leur visage s’illumine à leur tour d’un sourire rayonnant. Tout paraît plus gai quand le ciel est d’un bleu éclatant.

De ces quelques semaines ensevelie dans la noirceur de ma mélancolie, je me relève enfin.
L’hiver froid et rude fait place à la douceur de l’été renaissant.
La joie, l’amour et la lumière que je souhaite mettre dans ma vie sont désormais à portée de main.
Cette vie, la mienne, la vôtre, elle est belle… tout simplement.

Catégories : Sur la route...

2 commentaires

Paulo · 16 juin 2019 à 20 h 30 min

Bienheureux de lire cette conclusion!
Bisous ma belle aux perles <3

Cath · 16 juin 2019 à 22 h 06 min

Très fort et profond ce texte. Bravo !

Laisser un commentaire

Emplacement de l’avatar

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Translate »