30 septembre, 10h30, entrée du Grand Pavois à La Rochelle

La foule se presse pour entrer dans ce salon nautique très réputé en Europe, qui attire beaucoup d’acheteurs de catamarans de grandes marques comme Fountaine-Pajot, Jeannot, Benneteau ou Bavaria, entres autres.
Après un tour rapide à la Capitainerie, j’entre moi aussi dans le salon, direction le stand du Rallye des Îles du Soleil. En mon fort intérieur, je remercie grandement les personnes m’ayant permis de rentrer gratuitement et me dirige d’un pas décidé vers le ponton 2.
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Je laisse mes coordonnées à l’accueil et commence à expliquer mon projet à Nolwenn qui semble emballée :”2 bateaux participants au Rallye sont en exposition sur le salon. Tu peux toujours leur demander s’ils ont besoin d’une équipière.”
Je ne me fais pas prier et aborde un énorme catamaran qui servira à de la formation de voile pendant le Rallye. Budget de l’aventure : 4000€.
Je passe mon chemin et monte à bord de Bielle, une goélette de 22m appartenant à une distillerie de rhum à Marie Galante. Le capitaine est occupé, ce n’est pas vraiment le bon moment pour discuter mais après quelques mots échangés avec lui et Dominique, le propriétaire du-dit bateau, nous convenons que l’on se revoit en fin d’après-midi lors de l’apéro organisé par l’équipe. “Dans tous les cas, c’est le capitaine qui décide !” me glisse Dominique.
Je repars donc déambuler dans le salon, en répétant à qui veut bien l’entendre que je fais un tour du monde écolo à vélo avec mon violon et que je cherche un embarquement pour traverser l’Atlantique en tant qu’équipière sur un voilier. Finalement, j’aurais passé ma journée à répéter le même discours et à distribuer mes petites cartes de visite en arpentant le salon. Objectif : trouver un bateau.
Je récupère pas mal de contacts mais n’obtiens qu’un seul retour, celui de Thomas, un skipper super sympa qui fait du convoyage de bateaux dans l’Atlantique mais dont aucun n’est prévu dans l’immédiat.
Je vais même faire un tour sur les pontons derrière la capitainerie, hors du salon, sans grand résultat.
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Et puis, au détour d’une conversation, j’apprends qu’un bateau ayant fait un tour du monde Zéro Déchet est en exposition, à côté de Bielle. Intriguée, je me rends donc à bord de l’Ekolibri et fais la connaissance de Joaquim, Brendan, Igor et Robin, les 4 membres de l’association Sailing for Change ayant réalisé ce défi. Ils sont partis 2 ans avec un voilier autonome en énergie, sans poubelle, des vivres en vrac et 2 poules (!) pour sensibiliser sur notre manière de consommer et apporter des solutions au niveau développement durable (pour plus d’infos et les soutenir, c’est ici : Sailing for Change).
Bref, vous vous doutez qu’on s’est bien entendus, on a même convenu de faire de la musique ensemble le lendemain avec Brendan qui fait de l’accordéon diatonique.
Après l’apéro au Ti Punch façon Bielle, je retourne voir le capitaine de Bielle (François) qui me dit qu’il me précisera le lendemain quels papiers il faut que je lui fournisse pour la traversée. Le bateau est complet des Canaries à Marie Galante mais il y a de la place pour mon vélo et moi de La Rochelle à La Palma. (Quoi ?!! Mais c’est aussi simple que ça ?!). Je le remercie grandement et part avec Véro, la fille du propriétaire de Bielle avec qui j’ai sympathisé, fêter ça sur l’Ekolibri où c’est l’heure de l’apéro.
Entre Rhum, Pineau et Cognac, l’alcool coule à flot. C’est un fait que j’ignorais mais c’est apparemment très courant dans les salons, le Grand Pavois ne faisant pas exception, bien au contraire. Les marins ont la réputation d’avoir une bonne descente. Je la confirme !
Le lendemain, je reviens donc au salon avec mon violon, hyper détendue puisque j’ai trouvé un embarquement de rêve. Comme Bielle fait le Rallye des îles du Soleil, sa position GPS sera connue régulièrement, l’équipage est enregistré et la traversée sécurisée. En plus, le capitaine s’avère être un skipper pro très compétent et vraiment cool… Je n’aurais pas pu trouver plus sécurisé !
Je vais travailler sur le bateau, je n’ai donc aucun autre frais à prévoir que ceux de la licence à la fédération française de voile pour l’assurance ! (cas assez rare, souvent une participation à la caisse de bord est demandée entre 10 et 25€/jour, j’ai vraiment BEAUCOUP de chance). Je ferai donc des quarts, de la cuisine et pour le moment j’aide à la préparation du bateau. Mes craintes de mourir noyée dans l’Atlantique partent en fumée et c’est tant mieux !
Je passe ma journée tantôt sur Bielle tantôt sur l’Ekolibri, à jouer de la musique bretonne avec mes nouveaux potes et surtout papoter. Je fais ainsi la connaissance du voisin, Bernard, qui en plus d’avoir fait plusieurs fois le tour de l’Atlantique, joue lui aussi de l’accordéon ! Journée bien sympathique avant de passer à l’heure des apéros “Viens prendre un verre !”.
Au détour d’un ponton (certes, on ne peut pas faire grand détour sur un ponton, je vous l’accorde), je rencontre Jacques qui a écrit un bouquin sur ses expéditions en Antarctique. Il m’en offre un dédicacé, entre 2 cognacs XO (s’il vous plaît !) et on se donne rdv à Ushuaia pour une nouvelle expédition.
L’alcool a la faculté de rendre tous les rêves possibles et réalisables, le temps de quelques heures. Je ne suis pas sûre que notre conversation soit encore ancrée dans sa mémoire mais l’attraction qu’exerce sur moi l’Antarctique, elle, est bien intacte. Mon itinéraire est complètement libre et se fera au fil des rencontres. Néanmoins, je compte sur ma bonne étoile pour peut-être un jour réaliser ce rêve de fouler le continent blanc.
Le soir, je suis invitée à manger avec les 4 bretons chez un de leurs amis qui prépare lui aussi un voyage en voilier Zéro Déchet avec sa copine, pour rejoindre l’Australie dans quelques années. Romain et Ameline sont très sympas et se rajoutent à la longue liste des gens cool que j’ai rencontré ce week-end.
La fin du salon signe la sortie de l’eau de Bielle pour les gros travaux qui l’attendent et le départ de l’Ekolibri qui rentre en Bretagne.
Agnès et Philippe, les personnes qui m’accueillent à la Rochelle, sont hyper emballés par mon projet et ravis que j’ai trouvé un embarquement si facilement. C’est très agréable de se sentir soutenue même si les “Une femme seule à vélo en Amérique du Sud ?! Mais c’est hyper dangereux !!!” pleuvent toujours autant à l’évocation de mon projet quand je rencontre des gens.
Maintenant que j’ai du temps avant le départ (prévu initialement le 15 octobre), je m’attelle à du bricolage avec Philippe pour poser des radiateurs et un lavabo dans la maison qu’ils louent à des étudiants.
Je profite aussi d’être à la Rochelle pour passer du temps avec les quelques amis que j’ai dans le coin dont Manon, une amie de mon école de kiné à Bruxelles.

Arrive le week-end et Jean-Luc, le bras droit de Dominique, m’appelle pour me proposer de poncer la coque du bateau. On passera 2 jours complets sur la coque de cette dame de 22m, à 2. C’est un travail ingrat où la poussière de résine s’insinue partout notamment dans les yeux, où le poids des ponceuses portées à bout de bras pendant des heures déclenche des douleurs musculaires dans la nuque, le dos et les épaules, où les fourmis dans les mains dues aux vibrations et le bruit dans la tête persistent même après l’arrêt. Je me demande vraiment comment les mecs qui font ça à longueur de journées tiennent le coup. Ils vont sûrement chez mes confrères kinés…
Ce week-end passé à poncer avec Jean-Luc et en présence de Dominique me permet d’apprendre à mieux les connaître. Le dimanche, Dominique m’annonce qu’il a discuté avec François et qu’en plus des 6 personnes prévues à bord des Canaries à Marie Galante, il y a de la place pour moi ! Nous serons donc 7 pour cette traversée. Moi qui ne connaissais pas l’existence de cette île il y a quelques semaines et pensais viser le Brésil, je vais finalement prendre le large pour la Guadeloupe. On verra bien où je vais ensuite.
Le temps passe et je rencontre plein de gens, je visite notamment l’île de Ré à vélo.

Je fais aussi l’expérience de glanage au marché. J’avais rencontré des “freegans” lors de mon tour de France en stop l’hiver dernier, mais je n’en avais jamais fait l’expérience : il s’agit de récupérer de la nourriture saine destinée à être jetée (ici, à l’issue du marché). Avec une voisine de Philippe et Agnès, j’ai donc récupéré du pain, des fruits et des légumes dont 1 cageot de 6kg de haricots verts ! (merci l’équeutage)
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C’est fou que tous ces aliments comestibles soient gaspillés alors que des gens meurent de faim partout dans le monde. Je ne comprends pas comment notre société de sur-consommation a pu en arriver à ce point de bêtise et d’aberration.
Le plus surprenant aura été le regard parfois méprisant de certains commerçants rangeant leurs marchandises et nous dévisageant comme si nous étions des clochards. Le simple fait de récupérer ces aliments gratuits car destinés à la poubelle fait-il de nous des moins que rien ?
Une autre question se pose alors : Comment se fait-il que ceux qui jettent et gaspillent de la nourriture (c’est à dire, nous tous en Occident) ne soient pas eux-mêmes pointés du doigt au nom de toutes ces personnes mourant de faim partout dans le monde et même en France ?! Pourquoi laissons-nous de tels actes se produire ? Pourquoi ne modifions-nous pas notre manière de consommer et de vivre ? On peut étendre le débat à l’écologie et la sauvegarde de la planète…
Mais revenons-en à nos moutons. J’attends donc avec impatience le départ pour le grand large, mes rêves d’exploration, d’aventure et de liberté cheveux au vent sur le point de se réaliser.
Mais les travaux sur Bielle sont conséquents et prennent du retard.
J’ai déménagé chez une amie de ma mère, Cécile, car cela fait déjà 2 semaines que je suis arrivée à la Rochelle. L’ambiance “vie de famille” est chouette et me permet de prendre des forces avant le départ. Je sens que je vais en avoir besoin. Je suis très bien accueillie partout où je vais, merci, merci…
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Un beau trois-mâts dans le port

Sur le chantier, je fais la connaissance de mes coéquipiers Paul et Jean-Louis, tous les deux très sympas. Coïncidence ou jeu du destin, Paul est le cousin d’Olivier Peyre qui a fait un tour du monde à vélo et en parapente pendant 7 ans. Olivier m’avait donné plein de conseils lors de ma préparation cet été, notamment pour le bateau-stop avec un vélo et sur le Rallye des Iles du Soleil qui m’a permis de trouver un embarquement (infos sur le projet d’Olivier ici : En Route avec Aile). La France lé petit ! (petit clin d’oeil à mes amis réunionnais)

Paul part faire de l’agroforesterie en Équateur. Si vous voulez soutenir son projet, c’est ici : Des Voiles Tes Racines

J’apprends aussi l’histoire de Bielle qui, avant de devenir celle que je connais, a été un bateau de plongée sous-marine dans les Antilles. Elle a été bradée aux enchères après avoir été saisie par les douanes pour trafic de cocaïne en plus de ses activités de loisirs touristiques et a dû changer de nom. Sympa hein ?! Pas de panique, le bateau est clean, maintenant il transporte…du rhum ! Et j’en ai compté et rangé des cartons et des bouteilles, des verres à ti punch, à rhum vieux… ! Comme le rhum Bielle (le meilleur du monde !) est partenaire du Rallye des Iles du Soleil, nous en amenons pour son lancement aux Canaries. Le propriétaire a même eu l’idée de faire une expérience appelée “Rhum Dynamique”, une cuvée spéciale ayant traversé l’Atlantique de Marie Galante à La Rochelle en fûts “secoués” par l’océan. Je l’ai goûté (bien sûr !) et je le trouve plus doux, avec plus d’arômes que le rhum blanc classique et une belle teinte donnée par le bois (je tiens à préciser que la publicité ne fait pas partie de mes services, je donne seulement mon avis personnel). Voici une vidéo qui explique tout cela et qui montre bien le beau bateau sur lequel je vais traverser l’Atlantique : Bielle, l’appel du large
Nous partons le mardi 23 octobre, pile 1 mois après mon départ de Carcassonne. Si les conditions sont bonnes, nous devrions atteindre La Palma aux Canaries au bout de 10 à 15 jours. Nous y ferons escale jusqu’au départ du Rallye le 10 novembre où nous prendrons la direction de Mindelo, au Cap Vert. Puis ce sera la grande traversée pour rejoindre Marie Galante, que nous devrions normalement atteindre début décembre.
Je ne serai donc pas joignable d’ici là car non, sur l’océan, malgré les satellites, il n’y a pas de réseau.
Hasta luego !

4 commentaires

THIERY · 26 octobre 2018 à 7 h 18 min

Super que tu sois sur le bateau … hâte de faire ya connaissance et de faire cette traversée avec toi.
Anne Céline

    Agnesninie · 6 novembre 2018 à 18 h 31 min

    Merci pour ton message Anne-Céline ! Hâte de faire ta connaissance aussi 🙂
    A très bientôt !

M. Chobert · 3 novembre 2018 à 10 h 09 min

Coucou Agnès, quand tu en auras la possibilité, donnes nous de tes nouvelles. Bises

    Agnesninie · 6 novembre 2018 à 18 h 33 min

    Je suis arrivée à la Palma dimanche, j’essaie de mettre à jour mon blog cette semaine avant de repartir pour le Cap Vert.

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