Marie-Galante, beau petit bijou de tranquillité

En ce 7 décembre 2018, après 15 jours passés en mer à traverser l’Atlantique, je pense, songeuse, sur la plage ensoleillée de Saint Louis. Je pense à ces 15 jours, si longs et pourtant si intenses. Si semblables les uns aux autres et si hors du commun, hors du temps. À terre, je me sens complètement déphasée autant spatialement que temporellement. Le sol terrestre pourtant si cher à mon corps me semble étranger et le temps, qui file de manière si singulière en mer, semble ici s’écouler étrangement. Le retour à une routine terrestre pleine de présence humaine me perturbe. J’oscille entre soulagement de ne plus subir les effets de la houle et nostalgie de cette ambiance si spéciale en mer, notamment lors de mes quarts de nuit. Seule sous les étoiles, face à l’immensité de l’océan.

Les jours suivant notre arrivée sont ponctués d’événements organisés par le Rallye dont la visite de la distillerie Bielle, des soirées, des concerts, des apéritifs etc. Cela me permet de passer du temps avec les personnes rencontrées durant ce rallye, avant que chacun retourne à ses occupations dont notamment Vincent, Loris, Jean-Michel, Nolwenn et j’en passe. Je loge toujours à bord de Bielle au mouillage, le temps pour moi de visiter un peu Marie-Galante avant de rejoindre la Guadeloupe pour y chercher un bateau et continuer ma route. N’ayant pas l’autorisation de conduire l’annexe, je dépends donc des derniers habitants à bord pour mes allers et venues à terre, à savoir François et Paul. Anne-Céline et son père sont descendus à terre chez ce dernier qui a une villa magnifique, et Robert et Philippe sont rentrés en métropole pour les fêtes de fin d’année.

Passée la frénésie de l’arrivée, je me mets en quête de visiter l’île à vélo. J’ai laissé ce dernier à terre chez Patrick, un ami marie-galantais rencontré par l’intermédiaire de Sophie et Bruno, d’autres participants du rallye, alias Chérie-Chérie. C’est le surnom qui leur a été donné pendant le rallye car ils s’appellent mutuellement de la sorte. Lui, passionné de la mer, a promis à sa femme, novice en terme de voile, de l’amener à St Barthe voir la tombe de Johnny après la traversée. Adorables et très généreux, ils font partie des belles rencontres faites pendant ce rallye.

Je pars donc à vélo, profiter des retrouvailles avec mon acolyte trop longtemps délaissé en fond de cale. Les plages sont magnifiques et quasi désertes, la route qui serpente est plate et peu fréquentée. C’est un réel plaisir de pédaler ici ! Cette île semble hors du temps elle aussi, tout est si paisible…

Je choisis aussi de passer un peu de temps dans la forêt où Patrick m’emmène voir des arbres. Certains sont fabuleux, vieux sûrement de centaines d’années. L’énergie qu’ils dégagent me ressource et je me bénis d’être là plutôt qu’à boire des Ti-punch avec les autres ! Aux pieds d’un énorme fromager, je sors mon violon et vibre à l’unisson avec cet ancêtre m’accueillant à ses pieds. Le côté spirituel et le calme de Patrick sont apaisants, enrichissants. 

Le soir suivant, je vais voir un Chanté Nwel. C’est une sorte de concert ouvert à tous où l’on chante des chants traditionnels de Noël à la créole, bien plus dynamiques et joyeux que ceux que l’on peut entendre dans les églises en Europe. Pendant l’Avent, on les retrouve un peu partout dans les Antilles françaises. 

Mais le temps passe et il me faut trouver un voilier pour rejoindre la Guadeloupe, à quelques heures de navigation d’ici.

Le week-end suivant se déroule à Marie-Galante une petite régate locale, la route du Ti-punch (c’est visiblement un sport national là-bas !). Une trentaine de bateaux vont s’affronter amicalement dans la baie de St Louis en 4 manches. Avec Vincent, membre d’équipage du Berelli avec qui j’ai bien sympathisé au Cap Vert, nous arrivons à motiver l’équipe de Chérie-Chérie pour participer tous les 4, juste avant qu’ils ne rejoignent la Guadeloupe. Je change donc d’embarquement puisqu’ils me déposeront à Pointe-à-Pitre le lendemain de la régate. Finalement nous sommes 5 à bord pour cet événement festif et joyeux, Patrick nous ayant rejoint pour la journée. Les règles, les lignes et horaires de départ sont assez flous, à l’antillaise. Mais l’ambiance est bon enfant et très sympa, sans se prendre au sérieux. Nous aurons eu toutes les conditions climatiques possibles lors de cette journée, du vent, un gros grain, du soleil faisant ressortir le turquoise de l’eau, pétole de vent nous permettant de voir les autres bateaux de près…être sur Jackno, le bateau de Sophie et Bruno, me permet d’apprécier Bielle depuis l’extérieur. Qu’elle est belle toutes voiles hissées ! 

Le soir est à la fête Chez Henri, petit bar/resto avec une scène assez “roots” et très sympa.

Avant de partir, je souhaite aussi faire la connaissance de Philippine, la 3ème fille de Dominique fraîchement arrivée chez ses parents à Marie-Galante pour Noël. J’ai tellement entendu parler d’elle pendant la traversée que j’ai réellement envie de la rencontrer mais le temps m’est compté. C’est une fille douce et calme, un peu comme sa sœur aînée, musicienne avec une très belle voix et qui semble partager pas mal de points communs avec moi. J’espère que nos routes se recroiseront un jour, cette belle rencontre a été trop courte. 

Après mes adieux à mon ancien équipage, je pars donc en direction de la Guadeloupe à bord de Jackno. La silhouette de Marie-Galante rétrécit au loin dans le sillage et mon cœur se serre. C’est la fin d’une aventure et le début d’une autre. La page Bielle se tourne pour laisser place à la suite. 

Au coucher du soleil je sors mon violon et joue des musiques de films dont Pirates des Caraïbes ayant beaucoup de succès dans le milieu de la plaisance, et des chants de Noël à la demande de Sophie. Les discussions sont très enrichissantes avec Bruno, Sophie et Vincent qui m’encouragent vivement dans mon projet et mon choix d’une vie différente. Je sens que c’est ce qui me convient et je ne voudrais pas faire autrement au moment présent, toutefois leur soutien me touche. Je vois toutes ces personnes placées sur ma route m’apportant leur aide et leur soutien, comme des mécènes de mon projet, cette entreprise de vie que je crée au fil des rencontres. Merci merci à vous tous…De gauche à droite, Patrick, Pascale, Bruno, Sophie et JC

De gauche à droite, Patrick, Pascale, Bruno, Sophie et JC

Arrivée de nuit à Pointe-à-Pitre, le choc. Le retour à la civilisation après tant de semaines en mer où dans de petits paradis loin du bruit et de l’agitation des foules me rebute. J’apprécie de rester dans le cocon calme de la Marina jusqu’au lendemain. Vincent ayant mal au dos le matin, je troque une séance de kiné contre 17Go de bonne musique pour ne pas m’ennuyer sur mon vélo, et après avoir fait mes adieux aux équipages de Berelli et Jackno, je pars fouler le sol guadeloupéen. 

 

 

Guadeloupe, une immersion dans la culture antillaise

 

En sortant de la Marina de Pointe-à-Pitre, j’ai une quinzaine de km à faire pour atteindre Baie-Mahault où vivent des amis de mes parents, Philippe et Chantal. Les voitures et la 4 voies que je suis obligée d’emprunter, les embouteillages et le bruit me font me demander ce que je fais là. Pourquoi ne suis-je pas restée isolée paisiblement à Marie-Galante ? La famille Thierry (Bielle) m’avait proposé de passer Noël avec elle mais je veux aller de l’avant dans mon voyage, ne pas m’engluer dans la vie insulaire pourtant si agréable. Voilà donc où j’en suis. 

J’arrive chez Philippe et Chantal et apprends que Philippe est en pleine campagne électorale pour la chambre d’agriculture. Il est en effet président de l’APECA, une association d’agro-écologie dans les Caraïbes qui soutient les agriculteurs souhaitant préserver l’environnement en utilisant des bio-fertilisants, du lombricompost, des semences naturelles etc. J’assiste à la projection du film de présentation et suis ravie de me retrouver dans un milieu agricole de protection du vivant !

Après le débat, nous rentrons chez Philippe et je fais la connaissance de sa femme Chantal et de ses deux fils, Djokael et Yemael. Commence alors une période de récupération physique pour moi, où je dors beaucoup. Cela contraste avec l’agitation pré-fêtes de fin d’année et le rythme de vie soutenu des personnes qui m’entourent. J’aime avoir le temps et ne pas être pressée de quoi que ce soit, comme hors du temps. Quelle richesse que ce soit tous les jours dimanche ! J’en perds d’ailleurs le compte, je suis si bien accueillie ici…

Et puis un jour que j’accompagne Philippe chez un de ses amis agriculteurs, j’oublie mon téléphone dans sa voiture ouverte et on me le vole. En voyage, tout est sur ce dernier, ou presque. Mes contacts, des photos, la musique, des sauvegardes de dossiers et pas mal d’autres choses importantes, partent en fumée à mon grand désarroi. Ma nouvelle carte sim n’arrivera que 10 jours plus tard, me laissant injoignable (ça tombe mal, je suis censée rendre visite à plusieurs amis…). C’est fou comme la perte d’un tel petit objet de mon quotidien peut autant me perturber. Je réalise alors que malgré tous mes efforts pour me détacher du matériel, j’en reste encore l’esclave, bien malgré moi. Que cela me serve de leçon !

Dans le même temps, Élise, une de mes meilleures amies, décide de me rendre visite. Elle vient de démissionner et prend des vacances. Parfait, on se retrouve dans 10 jours ! D’ici là, je pars explorer la Basse Terre à vélo. Je vais aller voir Aurore, une amie de l’école de kiné, dont la mère habite à St Claude sur les flancs de la Soufrière. Ça va monter beaucoup, j’irai donc en plusieurs étapes. Ça me permettra aussi de passer voir les parents de Marvin, un autre ami de fac.

Je pars sous la pluie et sur la 4 voies et arrive à Fond Cacao à la nuit où je reçois un très bel accueil des parents de Marvin. Son père, retraité, s’est reconverti en confiseur occasionnel. Grâce à son magnifique jardin, dont le devant est plein de fleurs tropicales somptueuses, et l’arrière, regorge de fruits et légumes péyis, il confectionne des jus de fruits frais à partir desquels il fait des pâtes de fruit succulentes. C’est la période de Noël, et dans quelques jours ils iront rejoindre leurs enfants en Europe pour les fêtes. Jean-Hugues s’active pour remplir leurs valises de délicieux produits locaux et confiseries maison. Je l’aide à la préparation, et en profite pour lécher les plats une fois finis. La mère de Marvin est adorable, bavarde, et m’appelle Doudou comme tout le monde ici. C’est réellement un plaisir de les rencontrer après avoir tant entendu parler d’eux par Marvin ! Je leur joue du violon en guise de maigre remerciement, puis reprends ma route en direction de St Claude.

Là, c’est une autre histoire. Ça monte pendant des heures, sous une chaleur accablante. Par moments, des voitures klaxonnent pour m’encourager. C’est sympa, et ça redonne du courage même si globalement le bruit surprend et me fait souvent faire un écart, mais ça part d’un bon sentiment… La plupart des voitures s’écartent et ralentissent à mon niveau mais d’autres passent très près et vite. On est loin de la tranquillité de Marie-Galante mais les panoramas valent le coup de monter !

J’arrive à St Claude où Aurore et sa famille m’accueillent pour les fêtes de Noël et me font découvrir le sud de la Basse Terre. Nouvelle immersion dans la culture créole. Au menu du repas traditionnel de Noël ici, on trouve du jambon de Noël, un jambon cuit épicé et pimenté, du boudin noir et blanc (au lambi, délicieux coquillage de l’océan Atlantique), des pois d’Angole, du cochon grillé et du riz blanc, des gratins d’ignames et de giraumonts (courges locales), des fruits et bien entendu, du punch. La mondialisation étant passée par là, il y avait aussi du foie gras en entrée et des bûches au dessert. Merci à eux pour leur accueil… On m’avait dit que l’ambiance en Guadeloupe était spéciale, qu’il y avait du racisme envers les “blancs” etc. Je n’aime pas du tout les stéréotypes et les opinions toutes préconçues et certes, c’est sur cette île que l’on m’a volé mon téléphone, mais j’ai été si bien accueillie partout où je suis allée, plongée dans la culture locale avec tant de simplicité, que je ne peux et ne veux pas, à mon niveau, contribuer à ces “on dit”. La Guadeloupe a été pour moi une très belle expérience, riche de rencontres, de découvertes tant au niveau culturel que culinaire, de paysages magnifiques et d’expériences humaines. C’est une très belle île et quand on sait se présenter humblement, on reçoit énormément de ses habitants qui ont le cœur sur la main.

Aurore a des jours de congés dont elle profite pour me faire découvrir sa région, entre cascades, randonnées et sources d’eau chaude. La Soufrière étant capricieuse, le jour où nous y montons, elle a la tête à moitié dans les nuages, comme 355 jours sur 365 par an d’après les guadeloupéens.

Je reprends ensuite ma route vers le nord de l’île. J’arrive le soir du 31 décembre à Malendure, une réserve sous-marine, et passe un moment à un stand de kayaks où je fais la rencontre de Caroline qui souhaite elle aussi voyager prochainement. En discutant avec elle, j’espère semer des graines et lui donner l’envie de réaliser son rêve. Ce soir, je planterai ma tente non pas sur la plage principale mais sur une petite un peu plus loin. J’y rencontre Hervé et sa famille qui m’invitent chez eux pour être plus en sécurité que sur une plage publique un 31 décembre. J’accepte leur invitation avec plaisir et passe la soirée avec eux. Coucher à 22h car ils prennent le bateau très tôt le lendemain matin, ce qui me va parfaitement, je suis complètement sur les rotules ! Seule dans ma tente, je me dis que pour la 1ère fois, je ne me soumets pas à la norme imposant de faire la fête le 31 décembre. J’aurai mille autres occasions, mais pas ce soir, je n’aspire qu’à me reposer !

Je repars le lendemain en direction de Deshaies. Encore une grosse journée de pédalage. Mon GPS me fait prendre un raccourci que je regrette aussitôt. Vous vous rappelez des pourcentages de côtes vertigineux de La Palma aux Canaries ? C’est du même style. Pour vous donner une idée, Aurore me dira plus tard : “Tu es passée par là ? Mais c’est la route de la mort !” Je suis obligée de mettre pied à terre et malgré tout, je souffle, je pousse, je m’arrête en plein milieu pour reprendre des forces. Les chaussures de vélo à cales SPD glissent sur le bitume, et il fait 35 degrés… une horreur. Mais qu’est-ce qui m’a pris de passer par là ?!!

J’arrive à Deshaies exténuée et demande à la mamie qui vend son sorbet coco où je peux planter ma tente. Dans la queue, des Québécois entendent ma requête et me questionnent… puis m’invitent dans leur villa de location pour la nuit, leur canapé est libre. Je passe alors une excellente soirée en compagnie de Sylvie, Marc, Jean-Claude et sa femme, tous les 4 très attachants même si la rencontre est brève. Je leur joue du violon, on discute et on rit du vocabulaire différent au Québec et en France. Leur villa est superbe, avec piscine et vue sur la baie. “On a eu des problèmes de santé dans la famille cette année alors on a décidé de se faire plaisir et profiter de la vie à fond” me disent-ils, et Marc de rajouter en rigolant: “Dans cette villa, on se sent riches et célèbres !”

Je les quitte le lendemain matin, le cœur un peu serré, en leur promettant de passer les voir si je vais au Québec, puis continue ma route.

Aujourd’hui, c’est la journée détente avec au programme, plages et farniente car le plus gros du dénivelé et des km ont déjà été  abattus. Pas de chance, c’est la journée où la pluie a décidé de me rendre visite. Je reste donc à lire un peu sous un Carbet (sorte de kiosque ouvert) sur la plage de l’Anse à la perle puis file vers Ste Rose avant la nuit. J’y fais la rencontre de Gil, un homme un peu spécial. Très accueillant, il m’invite à planter la tente chez lui et nous passons la soirée à refaire le monde. Mais mon intuition n’est pas sereine, je ne sais comment l’expliquer. J’ai besoin d’être seule et je pars le matin me balader sur la plage. Quand je reviens chercher mes affaires pour partir, Gil est là et nous prenons un thé qui s’éternise. J’aimerais partir, et pas seulement parce que j’ai de la route à faire, mais je n’y arrive pas, Gil est intarissable. Je sens mon énergie vitale comme happée par sa personne. C’est très étrange comme ressenti, quelque chose ne va pas. Je dois partir d’ici et le plus tôt sera le mieux. En voyant l’heure, j’arrive à m’échapper. Il a beau avoir été respectueux et accueillant, je pars avec un sentiment mitigé, parce que l’énergie n’est pas mesurable mais la mienne a été comme aspirée, involontairement de sa part. Mes amis fans de Harry Potter seront ravis que j’y fasse référence, en comparant cette expérience à celle des épouvantards pour illustrer mon propos.

Je rentre chez mes amis à Baie-Mahault avant d’aller chercher Élise à l’aéroport. Quelle chance de les connaître, ils sont très accueillants et généreux. Merci merci…

Élise, c’est une des mes grandes amies de fac. On ne se voit pas souvent mais à chaque retrouvaille, c’est comme si on s’était quittées la veille. On a des tas de choses à se raconter pour se remettre à jour de nos vies respectives. Je suis ravie qu’elle vienne partager quelques temps mon aventure. Je l’avais prévenue avant son arrivée : “J’ai un budget de 8€/jour, je dors en camping sauvage et on va faire du stop” (louer un vélo aurait été compliqué et je ne suis pas mécontente de faire une pause sur cette île si abrupte). Le soir, nous sommes accueillies chez Gaby et Taïvie, la fille aînée de Philippe et Chantal. Elles sont vraiment chouettes et nous tissons des liens rapidement. 

Puis c’est parti pour explorer la Grande Terre en sac à dos ! Plages de la Datcha, celle de St Félix puis nous montons la tente dans de hautes herbes sur une falaise, cachées du chemin par des arbustes. Les moustiques sont bien présents mais ce soir c’est le luxe, on mange la boîte de foie gras que ma mère m’a envoyée dans un colis pour Noël ! Quand la nuit tombe, des centaines de lucioles illuminent la prairie. Ces billes scintillantes apportent une touche de magie à notre 1er bivouac sauvage. Depuis que je suis ici, j’ai toujours été hébergée.

Le lendemain, nous nous remettons en route. Entre une chaussure que la mer a failli emporter loin de moi pour toujours, observation des kitesurfs et planches à voile, et farniente entrecoupé de papotages, nous rencontrons Darragh, un photographe irlandais. Il nous prend en stop et vu que son programme consiste à arpenter les plages environnantes pour faire des photos publicitaires, nous passons la journée avec lui, profitant ainsi de ses trajets pour nous aussi apprécier lesdites plages. On parle photo, on se prend quelques averses et puis il nous dépose en fin de journée à l’est de l’île où nous avons prévu de camper. Le spot est venteux mais sécurisé. Demain, nous irons à la pointe des châteaux, à l’extrémité Est.

Arrivées là-bas, il y a pas mal de touristes mais l’endroit vaut le détour, c’est magnifique. Sous une chaleur de plomb, on rejoint la plage où nous avons dormi la veille en longeant la côte, on nous a dit qu’il y avait des douches publiques. Si on avait su ça hier soir !!! On est dimanche et nous n’avons plus rien à manger. Il ne reste plus de nos habituelles nouilles au bouillon cube de légumes ou nouilles à la sauce tomate (quand nous avons le luxe de nous offrir une boîte de conserve à porter dans nos sacs déjà bien lourds). Nous faisons une tentative infructueuse pour nous ravitailler dans une supérette toute proche (fermée) puis demandons à un restaurant fermé aussi s’ils auraient de quoi manger à emporter. La dame nous sert des restes du midi, une cuisse de poulet rôtie chacune et du riz aux haricots rouges en sauce pour quelques euros symboliques… un régal pour nos ventres affamés ! Et nous avons un point d’eau, après avoir économisé chaque goutte de l’or bleu toute la journée. La nuit tombée, nous allons nous doucher. Élise revient en 5 minutes, effrayée à l’idée que quelqu’un dans le sous-bois l’observe. Je prends le temps d’une vraie douche, il fait noir, il n’y a personne. Quel bonheur ! La tente est abritée sous des arbustes, contrairement à la veille, nous allons mieux dormir.

De l’autre côté de l’île, un sentier côtier serpente sur les falaises. C’est magnifique mais les sargasses ont envahi les lieux et la puanteur qu’elles dégagent nous font fuir plus loin sur le chemin. Ce dernier est long, et nous n’en arriverons pas à bout aujourd’hui. On plante alors la tente à l’entrée d’un champ, avec comme cadeau de réconfort après tant de km parcourus sous le poids de nos sacs, un superbe coucher de soleil. Nous sommes réveillées le lendemain matin par des agriculteurs effarés de voir 2 nanas ayant dormi seules dans la brousse. Mais tout va pour le mieux. Aujourd’hui, ce sera notre record d’auto-stop : 1 seule voiture pour nous amener de la trace des falaises jusqu’à Port Louis de l’autre côté de Grande Terre (farniente et plage) et 2 voitures pour faire Port Louis-Baie Mahault chez Philippe et Chantal, à 35 km.

Petite anecdote à Port Louis, où Élise s’est faite “draguer” par un prof de surf. Je la connais sanguine, surtout face aux harceleurs de rue, mais cette fois-ci je suis surprise, elle a été calme. Entre les kékés de plage lourdingues et ce prof lui ayant sorti que parce qu’elle était sagittaire, elle était certainement une bombe sexuelle, elle avait pourtant de quoi leur rentrer dans le lard… Les antillais sont chauds, on nous avait prévenues !

Nous sommes donc de retour chez Chantal et Philippe, pour récupérer des affaires avant d’aller en Basse Terre pour quelques jours. Ce soir, nous dormons chez Taïvie et Gaby et c’est nous qui cuisinons. Merci Maman pour le confit de canard du colis de Noël, c’était délicieux !

J’apprends  alors que Christian, un ami skipper du Rallye, passe par la Guadeloupe et peut me déposer en Martinique où une autre amie en vacances, Elodie, m’attend. Il livre un bateau de St Martin à Ste Lucie et doit de toutes façons, débarquer un ami en Guadeloupe. Je n’ai donc pas à chercher de bateau mais le hic, c’est que Christian passe par Rivière Sens, juste à côté de St Claude tout au sud de la Basse Terre… demain matin ! Impossible de l’y rejoindre à vélo à temps, il me faut trouver un véhicule pour amener tout mon bazar. Gaby me propose très gentiment sa voiture pour y aller le soir même. 

On dormira sur la plage et Élise ramènera la voiture le lendemain matin. On apprend en même temps que le rdv pour le chômage d’Elise est reporté de 15 jours. C’est parfait, elle échange ses billets d’avion et me rejoindra en Martinique dans 5 jours pour prolonger ses vacances ! 

En allant à Rivière Sens, on va rejoindre par la même occasion, mes amis Ludo et Marine tout fraîchement débarqués en Guadeloupe après avoir été coincés au Cap Vert pendant plus d’un mois suite à l’avarie du bateau sur lequel il étaient. Ils ont fait du voilier-stop eux aussi. Retrouvailles, on passe la soirée avec eux puis on va planter la tente au calme. Élise me dépose à la Marina le lendemain où Aurore passe me faire un dernier au revoir. Je suis si heureuse d’avoir passé du temps avec elle, j’espère que nos routes se recroiseront bientôt !

Vers midi, Christian, Pascale (aussi du Rallye) et Patrick, notre ami commun de Marie Galante, arrivent dans le port. Patrick débarque pour retrouver son île, et moi j’embarque pour en changer. On repart, direction la Martinique !

En longeant la côte pour aller vers les Saintes, Christian m’accordant gentiment la faveur de passer dans la baie au coucher du soleil avant de poursuivre notre route, je songe à ce séjour en Guadeloupe. Le ciel s’enflamme d’or et de tons flamboyants. Quel magnifique cadeau d’adieux me fait-elle ! C’est une terre riche en biodiversité et paysages splendides, mais aussi pleine d’histoire et encore chargée de souvenirs douloureux.

Que me réserve sa sœur, la Martinique ? 


5 commentaires

Cuxac · 19 avril 2019 à 18 h 56 min

Toujours un plaisir de te lire. Ton écriture est fluide, riche; on te suit quasiment pas à pas. Bravo, tu prends des notes pour livrer un tel paquet de souvenirs chaque fois ? Puis tes photos sont magnifiques.

    Agnesninie · 30 avril 2019 à 5 h 13 min

    Merci Michel, oui je prends quelques notes et j’ai une bonne mémoire ! Et puis j’ai eu de bons professeurs qui m’ont appris à lire et écrire 😉

    Nolwenn · 30 avril 2019 à 22 h 20 min

    Au top ce blog ! Le petit bout de femme qui l’anime pour nous livrer ses aventures est en réalité très grande ! Bravo, peu de personnes osent entreprendre ce que tu réalises. Bises salées.

Géraldine MARIN · 26 avril 2019 à 18 h 35 min

Bravo et merci Agnès pour ce beau récit ! Nous voyageons un peu avec toi dans l’espace et le temps lorsque nous nous remémorons de bons souvenirs aux Antilles…Bonne continuation ! Pierre, Géraldine et Anaïs

    Agnesninie · 30 avril 2019 à 5 h 12 min

    Merci beaucoup Géraldine ! À quand un départ pour la Nouvelle Calédonie alors ? 😉
    Bisous à toute la famille

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