Le Marin, 2 février 2019 13h
Après avoir attaché les vélos à l’arrière du catamaran dans le cockpit, nous levons l’ancre. Patrick, skipper de profession, est aux commandes.
Je n’en reviens toujours pas de la tournure qu’ont pris les événements en si peu de temps. Depuis le pont, j’observe la Martinique rétrécir au fur et à mesure que nous nous éloignons de la côte. Nous sommes partis pour une vingtaine d’heures à bord de Mango 2, un Lagoon de croisière de 42 pieds, ultra confortable et luxueux, à destination de Union dans les îles Grenadines.
Patrick, alias Patou, est pédagogue et sort des cartes et instruments de navigation. Le cours de cartographie qui suit est des plus passionnants et j’apprends alors ce qu’est une règle de Cras, comment fonctionnent un compas et un sextan… 1° de latitude sur la carte correspond à 60 minutes et 1 minute à 1 mile nautique. Ce sont des bases et je serais bien incapable de naviguer uniquement avec ces outils-là. C’est néanmoins très intéressant.
C’est la première fois que je navigue à bord d’un catamaran et j’en suis ravie. Mes rêves de navigation sans mal de mer vont enfin être rendus possibles, quel bonheur ! Nous prenons chacun nos quarts de surveillance et surprise ! Les winches sont électriques. Il suffit d’appuyer sur des boutons pour border ou hisser les voiles, c’est presque trop facile…
Nous arrivons à Union Island sous un ciel bleu magnifique et filons à la douane pour les formalités d’entrée. Nous sommes un dimanche et le dimanche, c’est la fête à la douane. Le prix de la clearance d’entrée varie en fonction de la taille du bateau et du nombre de passagers à bord, du jour et de l’heure auxquels on se présente mais aussi en fonction de la personne avec qui on a affaire. On se retrouve donc à payer l’équivalent de 20€ chacun (sans compter le bateau) rien que pour avoir le droit de poser nos pieds sur cette île et dans toutes celles de l’archipel de St Vincent et les Grenadines. Puis nous débarquons nos affaires vite vite avant que les clients de Patrick arrivent.
Un peu déboussolés par le prix de la clearance et plus généralement le coût de la vie ici (une simple bouteille d’eau coûte 2€, c’est cher pour un budget moyen de 8€/jour ! ), nous trainons avec Alex dans le bar de la Marina en attendant de prendre une décision pour la suite de notre voyage.
Nous faisons alors la connaissance de Sam et Eden, les clients de Patrick qui viennent boire un coup avant de partir en croisière pour 15 jours. De fil en aiguille, impressionnés par nos parcours respectifs, ils nous invitent à les accompagner, la place ne manquant pas à bord : « Nous partons dans les environs puis repassons ici avant de remonter vers la Martinique. On vous redépose ici dans 3 jours et on va s’arranger pour laisser les vélos à l’hôtel ! »
Mon rêve de faire du cabotage dans les Grenadines se réalise et c’est des étoiles dans les yeux que je réembarque à bord de Mango 2 avec Alex, Patrick, Sam et Eden, tous frais payés. Merci, merci à vous…
Notre 1ère escale est juste en face, sur Palm Island. Un hôtel luxueux est posé sur ce banc de sable blanc. Après nous être baignés, nous allons prendre un verre face au coucher du soleil, ça commence bien !
De retour sur le bateau, Eden s’active à la cuisine. Bien qu’ils aient largement les moyens de payer une hôtesse pour la faire, ils ont préféré rester simples, Eden aime beaucoup cuisiner. Alex et moi aidons nos hôtes comme nous pouvons, que ce soit en tant que commis de cuisine, plongeur ou moussaillon pour les manœuvres. Nous avons chacun notre cabine, celles des membres d’équipage à l’avant du bateau. Il fait bon, je dors le capot ouvert pour observer les étoiles.
Le lendemain matin, cap sur Morpion, un petit banc de sable célèbre pour l’unique parasol en feuilles de palmiers qui trône dessus. Après un petit-déjeuner de princes, valant tous les hôtels 5 étoiles avec des fruits frais, des œufs brouillés, fromages, tartines, et j’en passe… nous y débarquons en annexe.
J’ai pris mon violon avec moi. Entre deux baignades, j’en joue face à la mer, puis dans la mer, de l’eau jusqu’aux cuisses. Quel régal ! Sam, Eden et Alex ainsi que quelques touristes me mitraillent de photos. Un violon sur un banc de sable au milieu de la mer des Caraïbes, ce n’est pas tous les jours !
Celui-ci a d’ailleurs rétréci, d’après les dires de Sam qui est un habitué de la région. Le réchauffement climatique à l’origine de la montée des eaux y est pour quelque chose… et nous autres humains aussi. Entre l’invasion des sargasses et des déchets, le dérèglement des températures de saison et bien d’autres signes évidents encore, c’est à croire que nous sommes aveugles ou très bêtes de ne pas nous remuer plus pour préserver notre lieu de vie…
Retour sur le bateau pour aller aux Tobago Cays, des coups de soleil plein le dos mais le cœur rempli de joie. Après le violon, place à la playlist de Sam ! Ce mélomane nous fait découvrir de nouveaux groupes et le bateau vibre de bonne musique. Cet archipel est une réserve où non seulement l’eau est d’un rare turquoise, mais où l’on se retrouve nez à nez avec tortues, raies et toutes sortes de poissons en sautant directement du bateau dans l’eau. C’est magique !
Armée de palmes, d’un masque et d’un tuba (matériel indispensable sur un voilier), je pars explorer les fonds marins au-dessus de la barrière de corail. La valse lente des tortues me ravit. Elles sont si majestueuses… et pourtant bien rapides lorsqu’elles nagent dans leur milieu ! Un peu plus loin, je croise la route de raies, d’étoiles de mer et de nombreux poissons. L’eau est si transparente que la visibilité est optimale. Je m’apprête à remonter dans l’annexe quand j’aperçois un requin de récif ! Je le suis mais il s’enfuit et ne devient bientôt plus qu’une ombre au loin. Il est vrai que les requins sont peureux, bien qu’ils soient une terreur pour nombre d’espèces, dont l’homme. Celui-ci était adulte, mais d’une espèce inoffensive. Je ne serais pas allée à la poursuite d’un requin bouledogue à la Réunion…
Pour voir des tortues et raies, cliquez ici et .
La prochaine étape, si le vent nous le permet, c’est l’île de Petit Tabac. Nous avons de la chance, depuis le début les conditions sont idéales, sans trop de vent ni de houle.
Après avoir jeté l’ancre à l’extérieur du récif, nous posons le pied sur l’île de Jack Sparrow. En effet, cette île a été le lieu de tournage d’une des scènes du célèbre film « Pirates des Caraïbes », celle où Jack et Élisabeth se retrouvent coincés avec une cargaison de rhum sur une île abandonnée… Les bouteilles de rhum ne sont plus là mais la beauté du lieu reste inchangée.
Deuxième requin de récif aperçu au moment où je sortais de l’eau (décidément !) et séance photo sur un palmier. Au coucher du soleil, nous revenons aux Tobago Cays pour aller manger des langoustes énormes et délicieuses sur la plage, la vie est douce dans les Caraïbes…
De magnifiques bateaux sont mouillés proches de nous. Avec Patrick et Alex, nous prenons l’annexe pour les admirer de plus près. Certains sont de véritables bâtiments anciens et nous paraissent  immenses depuis notre petite embarcation.
Dans la nuit, l’embarcation du bateau qui est mouillé devant nous s’est détachée, elle tape contre la coque de notre catamaran sous lequel elle est coincée. Les propriétaires ont la chance que Sam, Eden et Patrick se soient réveillés et l’aient attachée avant qu’elle ne parte au large pour toujours ! D’où l’importance de bien savoir faire les nœuds marins…
Il est temps de rentrer à Union, « les vacances » au Paradis sont finies. Au bar de la Marina, nous prenons un dernier verre avec Sam, Eden et Patrick avant leur départ et discutons avec le plaisancier de la table d’à côté.
Thom est américain et voyage en ce moment avec sa fille. Ils retournent à Grenade dans 3 jours pour qu’elle rentre en avion aux USA. Ils ont la place pour nos vélos et nous, ce n’est qu’à 6 ou 7h de navigation. Le deal est passé, rendez-vous samedi matin à 7h au Dinghy dock (Dinghy est une marque très répandue d’annexes). C’est si facile ! Merci, merci…
Au même bar (on devrait le bénir !), on fait aussi la rencontre de Flore avec qui mes potes Ludo et Marine m’avaient mise en contact. Elle nous accueille chez elle, pour planter la tente dans son jardin.
Nous faisons nos adieux à nos amis Sam, Eden et Patrick qui sont devenus un peu comme des parents de substitution ces derniers jours. Sam me fait promettre de lui donner des nouvelles régulièrement et m’assure que je peux le solliciter si j’ai un problème quel qu’il soit. Merci…

Sam et Eden devant Petit Tabac

L’île est très sèche, d’où l’absence de cultures agricoles et l’importation quasi exclusive des produits faisant fortement augmenter le coût de la vie. Il fait très chaud et nous ne sommes pourtant pas en été ! « Les habitants vivent du tourisme 6 mois dans l’année et survivent le reste du temps. Ils font des réserves d’eau à la saison des pluies qui sont sensées leur durer 1 an », nous expliquent Flore et Val.
La principale activité touristique ici, en dehors du transit des plaisanciers, est le kitesurf. Eux-mêmes travaillent pour une boîte de croisières de kitesurf en catamarans. En plus de rafraîchir un peu l’atmosphère, le vent qui souffle en permanence sur cette île est une véritable aubaine touristique et les lagons paisibles et d’un beau bleu turquoise attirent les touristes fortunés.
Si l’on veut s’y rendre autrement qu’en bateau, il faut prendre un petit avion hors de prix depuis la Martinique ou Grenade, pas d’autre solution.
Nous partons explorer les hauteurs de l’île à vélo, direction Chatham Bay. Arrivés en haut de la baie, le chemin est abrupt et rocailleux pour descendre à la plage. La chaleur accablante a raison de notre motivation et nous restons en haut pour admirer la vue, à l’ombre.
Nous faisons alors la rencontre de Bushman qui nous fait visiter sa ferme de volailles, lapins, vaches et chèvres. Ces dernières sont omniprésentes ici. Du haut des buissons dans lesquels ils sont perchés, les chevreaux, attendrissantes petites peluches de poils, emplissent l’île de leurs bêlements si caractéristiques. C’est d’ailleurs une des images que j’ai en tête quand j’y repense, comme un aspect marquant de cette île.
Après une sieste sur la plage, nous passons notre dernière soirée avec Flore, Val et quelques-uns de leurs amis. C’est bien dommage que Marine et Ludo ne soient pas encore arrivés, mais je ne vais pas les attendre.
Ce serait trop bête de ne pas saisir l’occasion en or que m’a dégotée ma bonne étoile, j’ai cité : le bateau de Thom qui part pour Grenade dans 3 jours. En plus de ça, Alex a l’air d’être un parfait compagnon de voyage, autant le suivre ! Avant que vous ne vous posiez la question (ah bon trop tard ?), nous sommes amis. Il n’y a rien de plus entre nous malgré tout ce que les gens peuvent s’imaginer.
Samedi matin, nous retrouvons donc Thom au débarcadère avec nos vélos. On charge tout sur le bateau et on part tranquillement à l’aéroport pour faire la clearance de sortie. Les douaniers sont partis déjeuner « mais ils reviennent bientôt ».
Une bonne heure après, nous pouvons enfin faire notre clearance. Dans les Caraïbes, il faut savoir être patient ! En chemin vers la Marina, des chevreaux bêlent à notre passage, témoignage de leur sympathie ou adieux chevrotants ?
Et c’est parti pour 7h de navigation sur Aladdin, un monocoque sous pavillon américain. Thom l’a baptisé ainsi après avoir demandé conseil à ses enfants, encore jeunes à l’époque.
On passe au large de Carriacou, réputée pour ses chantiers navals, cap plein sud. Grâce au pilote automatique, je ne fais pas défaut à ma réputation de marmotte des mers et dors une bonne partie du trajet.
Nous arrivons en fin d’après-midi à la Marina de Port Louis à St Georges. Elizabeth, la fille de Thom, a insisté pour avoir un peu de confort avant de prendre l’avion le lendemain. Nous avons ainsi accès à des douches (très) chaudes, le WiFi gratuit et la piscine de la Marina, c’est le luxe !
Demain, nous en ferons le tour pour chercher un bateau allant en Colombie et accompagnerons Thom à son prochain mouillage plus au sud, à Prickly Bay. Là-bas, nous avons certainement plus de chances de trouver. Nous ne le savons pas encore, mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises !

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